Entre poètes, la terre s'ouvre
Abdellatif Laâbi, le poète qui chérit de sa plume, et, de ses Souffles, le vent de la liberté, l'ami que la monarchie absolue fit arrêter et torturer pour avoir chanté le mur sanglant, la douleur infinie et les roses que l'on écrase... Abdellatif reconnut dans la glorieuse de Tahar son sourire acerbe et sa foi incoercible. Abdellatif n'en démordait pas : son frère ne pouvait mourir. Ailleurs, c'est-à-dire, désormais, dans le ciel obscur ou clair, dans le frémissement d'une rivière, à travers le souffle du vent, dans l'arbre encloué, dans la colère et la révolte des hommes de paix, le verbe de Djaout exprimerait indéfiniment l'espérance raisonnable. De celle que l'on étreint toujours et que l'on n'éteint jamais. Ainsi, parole de poète, la terre s'ouvre et t'accueille, autre poète, compagnon d'idéal et de combat.
La terre s'ouvre
et t'accueille
Pourquoi ces cris, ces larmes
ces prières
Qu'ont-ils perdu
Que cherchent-ils
ceux-là qui troublent
ta paix retrouvée ?
La terre s'ouvre
et t'accueille
Maintenant
vous allez vous parler sans témoins
Oh vous en avez des choses à vous raconter
et vous aurez l'éternité pour le faire
Les mots d'hier terni par le tumulte
vont peu à peu se graver dans le silence
La terre s'ouvre
et t'accueille
Elle seule t'a désiré
sans que tu lui fasses des avances
[...]
La terre s'ouvre
et t'accueille
Ta bien-aimée retrouvera un jour
ton sourire légendaire
et le deuil prendra fin
Tes enfants grandiront
et liront sans gêne tes poèmes
Ton pays guérira comme par miracle
lorsque les hommes épuisés par l'illusion
iront s'abreuver à la fontaine de ta bonté
[...]
Tu as lissé élégamment ta moustache
en te disant :
seul les lâches
considèrent que la mort est une fin
Dors bien mon ami
Dors du sommeil du juste
Repose-toi, même de tes rêves
Laisse-nous porter le fardeau
(À la mémoire de Tahar Djaout, le jour de son enterrement. Créteil - 4/06/1993)
Je n'ai pas oublié
Mon fardeau est si lourd
Monde guériras-tu ? J'en rêve, j'en meurs...
(Misha, 23/03/2018)
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